Un 13 novembre en soirée… – Guy Plassais

Un vendredi soir comme tant d’autres vendredi, il fait plutôt doux pour la saison et il n’y aucune mauvaise raison pour rester enfermé à la maison. La suite vous la connaissez…

D’abord, on ne veut pas y croire, encore une mauvaise série à la télé, puis la conscience se fait plus précise, la sidération : « c’est bien un massacre », le téléphone pour tenter de joindre les proches, surtout les plus jeunes et les amis.

Ensuite,  quand on a la chance d’être indemne et d’avoir échappé au malheur, vient le temps de la curiosité pour tenter de comprendre. Viendra ensuite, le recueillement, la compassion, puis la peur, une vilaine peur qui va s’installer durablement. La nier cette peur serait une erreur, c’est d’elle que va venir notre vigilance et c’est elle aussi qui doit nous conduire à tenter de comprendre ce que ma génération, n’a vécu que par procuration, c’est-à-dire la guerre. Le courage ne sera pas héroïque, il sera de vivre au quotidien sans rien renier de ce que nous sommes et surtout sans se tromper de haine.

Aujourd’hui est le temps du questionnement, au-delà du marketing médiatique et surtout, à nouveau, tenter de nommer correctement les choses, les événements et les acteurs :

Qui sont les auteurs et quels sont leurs mobiles ?

Qui sont nos amis ?

Qui sommes nous et quelles peuvent être nos réponses et nos propositions ?

Qui sont les auteurs de massacre ?

Des jeunes français,  parfois convertis,  qui agissent en mettant en avant une religion qui a de multiples facettes et dont l’une joue le rôle de support idéologique. Contrairement a ce qui a été trop vite annoncé et qui serait fort utile à l’extrême droite,  il n’y a pas ici de migrants infiltrés. Ce sont des enfants de la république.

Tous sont les produits de notre histoire et de notre actualité et ce qui est relativement récent : c’est d’une part, la diversité des milieux sociaux et d’autre part, la « radicalisation » active de jeunes femmes comme la kamikaze de Saint Denis.

Ils agissent au nom d’un proto-état islamique installé sur un territoire qui ne reconnaît pas les partages territoriaux et les états du Moyen-Orient notamment créés par les Français et les Anglais au début du 20ème siècle. Cet état auto proclamé, reconnu officiellement par personne, ce qui ne signifie nullement qu’il manque de soutien, a été constitué suite à la rébellion des élites sunnites exclues du pouvoir lors des interventions occidentales et notamment américaines en Irak pour destituer celui que les mêmes occidentaux avaient installé précédemment. Les talibans en Afghanistan ont à peu près le même parcours. Tous font appel à une histoire et à une idéologie moyenâgeuses pour s’auto légitimer. Leur violence n’excluant nullement les autres musulmans considérés comme impies.

 

Alors contre quoi ou qui se battent-ils ?

Derrière un motif sans doute de vengeance plus ou moins précise, contre un monde qui les a exclus sans doute et qu’ils ne comprennent pas, se cache également un milieu délinquant en panne d’autorité (souvent parentale) et qui a longtemps joué à défier les pouvoirs publics et l’école. Ce milieu s’est créé une idéologie à fondement religieux, en érigeant des lois qui inversent totalement les valeurs démocratiques et de la modernité. Ils tentent de fonder une société en négatif de la nôtre.

Qui sont nos amis ?

Je ne suis pas géopoliticien, cependant si je cherche un peu, je découvre facilement que pendant et après la décolonisation, l’Occident dominateur et impérialiste a partagé le monde au mieux de ses intérêts immédiats. Je crains que le prix à payer n’ait été que différé et ce, d’autant que nos relations internationales et nos « amitiés » politiques parce qu’avant tout nécessités économiques avancées, soient de nature plus que douteuses. En effet, en quoi l’Arabie Saoudite peut elle être porteuse des Droits de l’Homme (et surtout de la femme) au conseil consultatif de l’O.N.U ? En quoi le Qatar mérite t’il toutes ces faveurs aujourd’hui, dans le monde politique,  du sport et de la finance ? Alors que tous professent et mettent en avant une idéologie fort proche de cet état dit islamique. En quoi la Turquie peut elle aujourd’hui encore être candidate à l’Europe alors qu’elle préfère apparemment combattre les Kurdes que les extrémistes ? Pauvre Atatürk, les pétrodollars décident de la bonne marche de la planète. Nous le savions, qu’avons-nous fait, exceptée une poussée de fièvre identitaire « chrétienne et de race blanche » ?

Notre société, notamment en terme de fonctionnement doit impérativement être révisée pour que les valeurs mises en avant ne soient pas, là aussi, que des masques idéologiques.

Alors qui sommes nous et quelles sont nos propositions ?

Liberté, égalité, fraternité, laïcité & vivre (ensemble), démocratie : en 6 mots voila qui nous sommes et cela personne ne doit pouvoir nous le confisquer.

Qui nous sommes ou plutôt qui nous souhaitons être, car il reste du  chemin à parcourir.

Les solutions sont d’ordre politique, policière, militaire, économique, culturelle. Si nous acceptons provisoirement une restriction de nos libertés, il va falloir que nous interrogions plus précisément nos représentants sur leurs responsabilités et en conséquence sur les nôtres.

En tant que mouvement d’éducation populaire et membre actif de l’économie sociale c’est-à-dire porteur d’une éthique économique, nous ne pouvons être présents que là où nous avons des compétences pour agir sur le monde politique ou plutôt pour devenir à nouveau des agitateurs.

En effet, en ce qui concerne la laïcité, cela fait des années que,  libre penseur,  je demande à ce que l’Islam soit intégrée à la loi de 1905 pour aider à la construction d’édifices religieux dignes et qu’en contrepartie l’Etat ait un droit de regard et de contrôle sur ce qui est prêché. En fait mettre l’Islam au même niveau que les autres religions au lieu de la laisser majoritairement, financièrement et idéologiquement entre les mains des idéologues marocains, algériens et surtout d’Arabie Saoudite.

Politiquement également, il faut que nos représentants agissent pour que le conflit israélo-palestinien prenne fin avec la reconnaissance d’un état palestinien reconnaissant Israël. Les résolutions concernant les territoires occupés doivent être appliquées. En démocratie, nous devons les mettre à la question, devenir enfin des citoyens conscients et responsables.

Culturellement, c’est sans doute là où à la Ligue, nous allons devoir déployer nos compétences pour notamment transmettre nos valeurs :

  • éradiquer du monde sportif la violence (conséquente de la recherche à tout prix de la performance) et les financements véreux des clubs professionnels et des instances nationales et internationales ; le sport doit enfin sortir de la tutelle belliqueuse pour devenir un modèle du vivre ensemble,
  • former et informer pour que chacun puisse prendre la parole en sachant nommer les choses ; dans ce domaine, l’erreur peut être mortelle et nous savons que plus la parole est pauvre plus la pensée est étriquée et plus la violence prend le pas sur le débat. Dans ce domaine, je suis effaré de l’inculture de nos représentants politiques (un peu moins à gauche sans doute, quoique !), de leurs lacunes, de leur étroitesse d’esprit et de leur incapacité à dépasser un instant les intérêts de leurs mandats cumulés (ou l’inverse),
  • porter plus visiblement et lisiblement nos messages. Notre présence sur le terrain doit être renforcée, nous devons prendre la parole publiquement et devenir davantage présents dans le débat public.
  • Considérer le numérique comme un outil particulier qui nécessite un réel apprentissage et une vigilance constante. La réflexion exige de prendre du temps et les sources d’informations nécessitent la vérification.

Enfin, pour l’instant et malgré la peur, nous devons vivre, aimer la musique, la bouffe, le sexe, la peinture, la danse, le théâtre, la sculpture…. Sans oublier que tout est meilleur quand on le partage avec les autres. Notre combat demeure le « vivre ensemble ».

 

Guy PLASSAIS

Ligue de l’enseignement

Président de la Fédération du Val d’Oise

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