Vœux du Président

Vous trouverez ci-dessous l’intégralité du texte de Vœux de notre président lors de la Rencontre – Echanges organisée par la fédération le 30 janvier dernier :

« Merci à vous d’avoir répondu à notre appel et d’être présents ici ce soir. Pour nous, il ne s’agit pas seulement de satisfaire à une tradition, c’est aussi l’occasion d’une rencontre et d’un échange que nos obligations quotidiennes nous empêchent de réaliser plus souvent.

Tout d’abord donc et au nom du Conseil d’administration de la Fédération de la Ligue de l’Enseignement du 95, à toutes et à tous, je vous adresse nos vœux de bonheur (indicateur ignoré de notre société dite « libérale) les plus chaleureux, pour vous et pour tous ceux qui vous sont chers. Pour la Ligue de l’Enseignement comme pour tous les mouvements d’Éducation populaire et pour ceux qui nous ont rejoints ce soir, nous souhaitons que l’année 2019 soit une année où de réelles conditions du « vivre ensemble » soient instaurées puisque je reste persuadé que l’utopie d’aujourd’hui sera la réalité de demain.

Ces vœux peuvent paraître naïvement décalés au milieu d’une actualité qui, rassurez vous, ne nous laisse pas indifférents. Cette actualité nous oblige au contraire à réactiver la parole de Jean MACÉ à la fondation de notre mouvement : « la Ligue poursuit un but essentiellement politique, mais elle ne s’occupe ni de politique, ni de religion, elle ne s’occupe que de l’éducation au suffrage universel, non pour faire des élections mais des électeurs, non pour faire des candidats mais des citoyens ».

Le but politique de la Ligue sera le thème de notre prochain Congrès à Marseille en juin prochain, mais en attendant il nous semble opportun aujourd’hui, de prendre position vis-à-vis notamment de deux évènements : d’une part, la fronde sociale qui mobilise les « gilets jaunes » et le pavé des avenues depuis près de 12 semaines et d’autre part, les velléités gouvernementales de réécrire la loi fondamentale de 1905.

En ce qui concerne la révolte des GJ, celle-ci a réactualisé un double questionnement national, mais aussi international : celui des causes de la paupérisation croissante d’une majorité de nos concitoyens et celui de l’accroissement des inégalités sociales, financières, culturelles et territoriales particulièrement accentuées en région Ile-de-France . Dans le monde d’aujourd’hui, il faut cumuler les ressources de près de 4 Mds de personnes pour obtenir l’équivalent de ce que possèdent les 26 personnes les plus riches. Qui a dit que la lutte des classes n’était plus à l’œuvre ? Elle a simplement été récupérée et inversée.

Le nivellement par le bas et les inégalités croissantes vont de pair avec un exercice arrogant du pouvoir qui s’appuie notamment sur des théories économiques les plus éculées et dont l’inefficacité a été maintes fois prouvée par le passé. De plus, la nécessaire transition énergétique ne peut être laissée à la charge des moins favorisés. L’écologie ne peut pas être le prétexte de l’accroissement des inégalités économiques et sociales.

Dans le monde du travail, c’est la précarité qui est devenue la règle. L’économie sociale et solidaire subit de très nombreuses pressions pour contrecarrer son développement.

Dans le monde qui préoccupe notre mouvement, ce sont les inégalités scolaires qui s’accroissent au profit d’une privatisation, donc d’une marchandisation et d’une instrumentalisation de l’éducation à tous les degrés de notre système.

La démocratie, le moins mauvais des systèmes de gouvernance, impose aux décideurs d’écouter et d’entendre ceux qu’ils sont censés représentés. La Ligue de l’Enseignement en a fait un exercice interne prioritaire en convoquant, en cours d’exercice, une procédure exceptionnelle l’an passé ayant abouti au renouvellement complet de son CA au niveau national.

Après un long silence et une réponse strictement sécuritaire aux demandes des GJ, il est proposé à la collectivité un « Grand Débat National » qui devrait permettre de faire la synthèse des doléances exprimées dans la rue. Pour l’organiser, il a été fait appel aux collectivités locales et aux corps intermédiaires qui ont exprimé, sans doute avec raison, leur réticence : en cas d’échec ils ne veulent pas en être tenus pour responsable, eux qui ont été systématiquement et expressément exclus de toutes concertations sur les réformes menées « en même temps » et qui ont conduit à la situation présente.

Si le but de la Ligue de l’Enseignement est politique, ce n’est pas notre rôle, comme l’a exprimé Éric dans notre dernière newsletter, que de participer à l’affirmation d’un quelconque projet politique a fortiori quand il s’appuie sur l’affaiblissement de l’État et la disparition des services au public. Aussi, notre mouvement, a exprimé nationalement une triple exigence :

  • l’indépendance du débat,
  • la référence claire aux fondements de notre culture républicaine,
  • la prise en compte réelle des doléances exprimées.

Malgré les sollicitations, la Ligue de l’Enseignement a refusé toute initiative de co-organisation. Cependant, elle appelle les fédérations à soutenir les collectifs et les citoyens en mettant à disposition leur savoir-faire et leurs ressources pour comprendre et agir sur le monde. De plus, le CA national a accepté que notre Secrétaire Générale nationale, Nadia BELLAOUI, soit nommée au titre des 5 personnalités chargées de s’assurer de l’impartialité et de la transparence de la démarche. Il s’agit donc pour notre mouvement de faire vivre le débat et de promouvoir la défense des droits sociaux, économiques et environnementaux fondamentaux de nos concitoyens et en particulier des plus défavorisés.

Ceci est la position adoptée après un long débat interne par nos représentants nationaux. Pour ma part, je crains fort que la méthode imposée à ce GDN ne soit biaisée au départ, par le jeu des questions fermées et imposées par ceux là même qui sont mis en cause. La Commission du Débat National avait souhaité qu’il soit totalement ouvert et elle a donc refusé de prendre en charge son organisation. Ce retrait doit nous interroger sur une pratique antidémocratique qui persiste à imposer les décisions du haut vers le bas.

En ce qui concerne la laïcité, un ensemble de déclarations pendant l’année 2018, notamment à la Conférence des évêques de France, nous ont obligés, avec un ensemble d’autres partenaires, à nous mobiliser : non, le lien entre la religion catholique et l’État n’est pas « abimé » puisqu’il a été rompu en 1905 et non, nous ne souhaitons pas l’instauration d’un concordat avec l’islam pour lequel s’est prononcé le ministre DARMANIN. Nous n’accepterons pas que les fondements de la loi de séparation des Églises et de l’État soient remis en cause et avec vous, malgré les discours d’apaisement reçus, nous demeurerons vigilants sur la suite des évènements.

Notre prochaine Assemblée Générale ordinaire qui sera convoquée pour le 18 avril prochain devra préciser notre plateforme de revendications en tant que composante départementale de la Ligue et traitera d’un sujet particulier car jugé prioritaire par notre prochain CA : laïcité, démocratie, emplois aidés, fiscalité… ?

En attendant, pendant le premier trimestre, nous allons renforcer notre programme d’actions : formation des animateurs et des éducateurs, formation et accompagnement des dirigeants associatifs, accueil des jeunes volontaires en Service Civique, transmission des valeurs de notre république, lutte contre la fracture numérique, échanges et débat sur les conditions à instaurer pour mieux vivre ensemble en partageant de façon ouverte nos réflexions notamment sur la laïcité, sur l’égalité femmes-hommes, sur la lutte contre toutes les formes de discriminations. Nous souhaitons également favoriser la création, l’accompagnement et le développement d’entreprises collectives produisant des services d’utilité sociale respectueuses des principes de l’ESS.

(voir avec les délégués de service, les dates des temps forts de l’activité qu’ils prévoient d’ici le 18 avril ?)

Notre société est en crise et ce n’est pas une spécificité française, notre modèle de fonctionnement est en panne, la violence institutionnelle est masquée derrière le paravent néolibéral, les grands principes énoncés par le Conseil National de la Résistance se délitent sous la pression d’un capitalisme accumulateur de richesses non redistribuées à ceux qui en sont les producteurs réels, l’éducation et la culture sont instrumentalisées au service des lobbies économiques et des fonds de pension.

Face à ce constat, notre devoir est de résister, ensemble, malgré les difficultés croissantes. Si l’avenir est par principe incertain, il nous appartient de réfléchir et d’agir pour que la lumière demeure.

A nouveau, merci à vous d’être présents ce soir. La parole est à vous. »

 

Guy PLASSAIS
Président
Ligue de l’Enseignement du Val d’Oise

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