Le coûteux SNU

Lors de ses vœux, Emmanuel Macron a évoqué la généralisation du service national universel (SNU) issu de ses engagements de campagne 2017. 140 millions sont inscrits au budget de l’État 2023 pour accueillir 64 000 jeunes volontaires de 15 à 17 ans. Lors du lancement en 2019, la Ligue 95 avait répondu présente pour participer au SNU dans le Val-d’Oise, avec l’Armée et l’Éducation nationale. Son implication paraissait logique, eu égard aux objectifs annoncés par le Gouvernement : « Renforcer la cohésion nationale. Développer une culture de l’engagement. Accompagner l’insertion sociale et professionnelle des jeunes ».

Pourtant fortes de leur expérience de formation des jeunes citoyens, les associations d’éducation populaire sont utilisées comme de simples prestataires et non considérées comme des partenaires.

Le constat est partagé par le Conseil d’orientation des politiques de jeunesse (COJ), dans son dernier rapport d’évaluation du dispositif, publié en décembre dernier. Rappelons que le SNU comporte trois volets : le séjour de cohésion, deux semaines effectuées dans un autre département que celui de résidence, la mission d’intérêt général, 84 h ou 12 jours portant sur des thèmes comme l’environnement, la solidarité, le sport, la sécurité… Enfin, une troisième phase facultative, de trois mois minimum, peut être réalisée jusqu’à 25 ans, comme volontaire en service civique, bénévole dans une association ou dans la réserve de la police ou de l’armée

 

Injonctions militaires

Omniprésente sur le SNU, l’Armée réussira-t-elle, sans tomber dans le militarisme, à instaurer un « moment de cohésion visant à recréer le socle d’un creuset républicain et transmettre le goût de l’engagement », comme le souhaite le Président et son équipe gouvernementale ?

Le COJ juge le dispositif « décorrélé des problématiques et des préoccupations de la majorité des jeunes, mobilisant des crédits dans une période de crise au détriment de l’urgence sociale que vivent certains jeunes et des problématiques traversées par le secteur de l’éducation dans son ensemble (enseignement, éducation populaire) ».

Moins médiatiques, car travaillant à petits pas, au jour le jour, les associations d’éducation populaire initient et renforcent ces valeurs d’engagement et de solidarité, comme les ONG d’urgence sociale ou de défense de l’environnement. Toutes craignent aujourd’hui la concurrence budgétaire avec d’autres dispositifs d’engagement, notamment le service civique, ou des transferts de subventions à leur détriment.

D’autres problèmes se posent, à commencer par l’hébergement des jeunes pour leur séjour de cohésion. Dans le Val-d’Oise, pour la session de février, faute de structure d’accueil collectif adaptée, le comité de pilotage prévoit de faire dormir les 206 jeunes volontaires prévus dans un hôtel de Cergy Saint-Christophe.

Et puis où trouver les encadrants, alias « tuteurs de maisonnée » ? On le sait, depuis la pandémie, la formation et le recrutement d’animateurs Bafa sont très tendues. Quant au travail d’organisation du SNU mené par les services déconcentrés de l’État, déjà en sous-effectif, il s’avère très accaparant et pourrait être au-dessus de leurs moyens.

Sur 2022, la réussite de l’accueil des quelque 32 000 jeunes en séjour de cohésion a été liée, d’après le rapport détaillé du COJ, à « un surinvestissement de l’ensemble de la chaine de mise en œuvre et d’encadrement des centres ». Dans ces conditions, le COJ alerte à nouveau sur « la soutenabilité du dispositif dans sa configuration actuelle, au regard des effectifs que l’administration peut mobiliser ».

Quatre scénarios sont proposés par cette instance nationale consultative pour faire évoluer le SNU au cas où il deviendrait obligatoire. À lire ici. Mais les chiffres donnent le tournis. S’il devenait obligatoire, le SNU coûterait plus d’1,7 milliard à l’État. On est en droit de rêver à ce que pourrait faire les associations d’éducation populaire, aptes à remplir les missions civiques confiées au SNU, avec de tels moyens !

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