Face à la terreur : Résistance – Guy Plassais

Face à la terreur, il faut dire, écrire, échanger mais surtout, il faut résister aux réactions immédiates provoquées par l’émotion ou/et la peur. Le temps est encore au recueillement, nous allons devoir rapidement revenir au temps de la réflexion et de l’action.

Après l’unanimisme, parfois de façade et que seule la durée validera, nous ne pouvons ignorer les dissonances apparues sur les réseaux sociaux, dans des collèges et chez des élus auto proclamés républicains : non, jamais les victimes assassinées ne doivent apparaître responsables même partiellement de ce qui vient d’arriver.

La presse satirique issue de la tradition du 18ème siècle et de la révolution est une exception française. Elle n’existe quasiment nulle part ailleurs sans être violemment réprimée. Elle doit pouvoir poursuivre son travail, car elle est notre mauvaise conscience. C’est elle qui nous réveille de nos assoupissements, c’est elle qui interroge la facile et trop souvent pratique pensée unique. C’est elle qui se sentait parfois fort isolée. L’impertinence et l’insolence (non pas l’incivilité) sont des qualités qu’il va falloir cultiver intensément et généreusement.

Aujourd’hui ce sont les causes de ces assassinats, avant les conséquences que nous devons mettre au jour. J’en vois essentiellement deux :

Tout d’abord, la misère intellectuelle et culturelle qui, si elle touche a priori les banlieues, n’en frappe pas moins de nombreux responsables politiques et économiques. L’éducation doit être plus que jamais une réelle priorité et non pas abandonnée au profit d’un formatage strictement utilitariste au service du libéralisme économique. Ce libéralisme dominateur et omniprésent qui se masque derrière le mot liberté et qui lui est antagonique. Elle est un asservissement notamment par la pensée. La liberté des uns doit être garante de la liberté de tous et non pas une limite.

De l’école jusqu’à l’université, notre histoire doit être réécrite, nos méthodes doivent être transformées, nos évaluations comme notre croyance en la croissance doivent être mises à la question. L’éducation du citoyen est en souffrance alors qu’elle est la seule capable de combattre les extrémismes.

Ensuite, la misère économique et sociale, injuste et qui dénonce notre devise d’égalité. C’est elle qui exclue et qui est exploitée par tous les vendeurs de rêves et de paradis mortifères. Les écarts de richesse vont croissants et sont accentués par la mondialisation et l’anonymat des décideurs L’insertion sociale et économique est essentielle et doit primer sur la marchandisation et la financiarisation de l’économie qui est politique et non pas une science. Le politique qui doit primer et l’économique, doivent être jugés à l’aune de l’éthique. C’est aujourd’hui plus que jamais une absolue nécessité

Outre ces deux causes à combattre, c’est la fraternité, bien plus que la compassion, qu’il faut remettre en marche pour dépasser les amalgames. Camus énonçait que « mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde ». L’effort de réflexion et de pensée doit permettre de combattre le populisme, les clichés, la recherche du bouc émissaire et l’exclusion sous toutes ses formes, de « préférence nationale » ou non.

Nous, nous voulons vivre ensemble dignement en n’oubliant jamais que ce qui nous rassemble est plus fort que nos différences. La laïcité assure la liberté de croire ET celle de ne pas croire, elle n’est pas une donnée naturelle, elle est un combat permanent, individuel et collectif. Elle est un des piliers de notre république une et indivisible.

Les assassinats de ces derniers jours ont un motif politique et non religieux, il s’agit de nous faire taire. Alors : A larmes… Alarme citoyen, il nous faut demeurer debout, il nous faut résister, il nous faut débattre, pour que vive la république avec l’ensemble de ceux qui s’en reconnaissent et quelle que soit leur croyance et leur mode de pensée.

Enfin, et seulement en guise de conclusion, si l’Islam doit être interrogé c’est aussi et surtout au niveau de nos relations internationales parfois ambigües que nous devons porter l’interrogation.

C’est parce que j’étais Rabelais, Voltaire et Camus que je suis aujourd’hui Charlie, policier, Fredo, Ahmed, et juif…

LIBERTÉ-ÉGALITÉ-FRATERNITÉ-LAÏCITÉ

 

Guy PLASSAIS
Président de la Ligue de l’enseignement 95

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