Les propos du Conseil d’Administration

1/ la Fronde sociale et « le mouvement des gilets jaunes » :

Ce mouvement a été provoqué par la taxe qui a fait déborder le vase, mais aujourd’hui il est évident que les revendications populaires vont bien au-delà et que les racines du mal sont plus profondes et bien antérieures. Les dernières mesures gouvernementales n’ont fait qu’accentuer le mal être d’une large majorité de nos concitoyens dont le revenu médian se situe autour de 1 700 € nets mensuels, avec toujours une forte disparité entre les hommes et les femmes dont le pouvoir d’achat a baissé de 8% entre 1975 et 1995  sans évoluer depuis. A ce sujet, c’est l’ensemble des indicateurs économiques qu’il faudrait par ailleurs impérativement redéfinir. (Lire la suite)

Le gouvernement actuel a accru en moins d’un an la charge fiscale sur les revenus des salariés et des retraités tout en favorisant les plus riches en supprimant notamment l’I.S.F qui, au-delà de son efficacité avait une signification symbolique ; De plus, il n’a jamais montré une réelle volonté de réprimer l’évasion fiscale, ce qui constituerait une forte rentrée de recettes publiques. Après la « loi travail » passée en force (art.49) au mépris  des corps intermédiaires, il finance la diminution des charges sociales en imposant d’abord les pensions des retraités L’organisation de l’activité économique engendre des temps de transport de plus en plus longs avec une très forte disparité territoriale. C’est le monde rural qui se voit pénalisé fortement par la taxe sur les produits pétroliers après avoir vu les services publics de proximité disparaître.

En outre  nous assistons à la remise en cause de notre système de santé et de sécurité sociale, du système judiciaire, du système scolaire. La solidarité qui avait été le moteur des réformes générées par le Conseil National de la Résistance est une pratique apparemment jugées obsolètes par la majorité parlementaire actuelle.

Pour ce qui nous concerne plus particulièrement, nous ne pouvons rester insensibles aux évaluations de notre système scolaire, mal classé au niveau international mais surtout très fortement inégalitaire. Ce n’est pas l’école que nous voulons. Celle que nous voulons doit être inclusive et non exclusive. Elle doit être la base de la formation des citoyens et non instrumentalisée seulement à la disposition d’une économie libérale qui conduit à l’exclusion et au « décrochage scolaire » sélectif. Dans le discours du Président de la République, le silence autour de la jeunesse de notre pays est assourdissant.

Le président et le gouvernement issu des dernières élections ont entretenu l’illusion que « le vieux monde » devait disparaître. Pour cela, le «jeunisme», associé à la technocratie  s’est montré à la fois arrogant, méprisant et à de trop nombreuses reprises ignorant du monde dans lequel nous vivons. Politiquement, les pratiques mises en œuvre ont réactivé un mode de gouvernement bonapartiste, autoritaire et vertical en oubliant que le changement nécessite du temps et que toutes les transformations ne peuvent se réaliser «en même temps». Il a surtout été oublié que ces transformations ne peuvent avoir lieu sans un travail préalable visant à obtenir démocratiquement un consensus social et politique. Ce temps du débat et de la concertation a été volontairement effacé en écartant l’ensemble des corps intermédiaires et notamment les syndicats, les associations et leurs fédérations. Économiquement, c’est la volonté d’imposer un néo-libéralisme qui s’appuie sur des théories des plus éculées de la fin du 19ème siècle et la force des lobbies internationaux. Nous avons besoin d’un État providence et protecteur qui assure une régulation de l’économie et une juste redistribution. Ce n’est pas l’impôt qui doit être remis en cause, mais sa progressivité et ses modes de redistribution.

Il faut en finir avec ces politiques d’austérité qui ne produisent aucun effet économique bénéfique (le taux de croissance de la France est un des plus bas de la zone euro) et qui sont à  financées par la classe moyenne.

Il est vrai que les demandes des «gilets jaunes» semblent désordonnées, parfois même dangereuses quand il s’agit d’immigration, mais si nous  savons écouter, il est facile d’entendre que c’est d’abord de justice fiscale et surtout de justice sociale dont il est question sur les ronds points. C’est aussi, pour se faire entendre d’un pouvoir sourd et pour exister qu’ils et qu’elles sont descendues dans la rue en manifestant parfois violemment.

Si, comme tous les bien-pensants, nous considérons que la violence est a priori condamnable, nous nous interrogeons sur les sources de cette violence : elle est d’abord celle du capitalisme qui a réussi à retourner le concept de « lutte des classes » en sa faveur. Cette violence est masquée mais bien présente au quotidien, protégée et légitimée par les pouvoirs en place et notamment le monde de la finance. Elle est d’autant plus forcenée que nous sommes entrés dans la fin d’un cycle.

La Fronde, comme au 17ème siècle est bien réelle puisque la contestation est extrêmement diverse et  cette diversité la rend dangereuse. La surdité et le mutisme du pouvoir en place ne semble pas prêt à apporter une réponse satisfaisante à la demande essentielle à la démocratie, de co-construction de notre avenir politique, économique et écologique. La transition énergétique indispensable ne pourra pas se faire uniquement à la charge des plus défavorisés. Les objectifs et surtout la méthode doivent être modifiés profondément. Il est impérieux de parvenir à élaborer un nouveau pacte démocratique collaboratif, d’instaurer une justice sociale et de réaffirmer les principes de solidarité. La demande de référendum d’initiative populaire  en est un signe.

Notre fédération de la Ligue de l’enseignement est prête à se faire entendre et à agir dans les domaines qui sont les siens : pour une refondation de l’école publique et laïque, pour une école de la chance et non seulement de la sélection ; pour une éducation par le sport autrement, pour une ouverture culturelle accessible au plus grand nombre, pour une société dans laquelle nous pourrons, avec confiance, « vivre ensemble »

 

2/ La défense de la loi de 1905 :

Après les lois de Jules Ferry instaurant l’école publique, laïque, gratuite et obligatoire, la loi de 1905 a institué la séparation des Églises et de l’État. Cette loi énonce dans ces deux premiers articles, des principes qui s’imposent depuis dans notre République :

  • La liberté de conscience individuelle, celle de croire ou de ne pas croire,
  • La non reconnaissance des cultes par l’État,
  • Le non financement public, national ou territorial, des religions.

Cette loi de 1905 venait mettre fin au Concordat napoléonien de 1801. Seule l’Alsace-Moselle revenue à la France en 1919 bénéficie encore d’un régime concordataire, et par là même, fait exception au principe constitutionnel d’indivisibilité de la République

Cette loi a déjà subi de nombreux amendements et a fait l’objet de nombreuses dérogations notamment en ce qui concerne le financement de l’enseignement confessionnel, en forte majorité catholique. Cet enseignement confessionnel, présenté comme complémentaire de l’enseignement public mais dans les faits, concurrentielle, bénéficie ainsi annuellement de plus de 10 Mds d’€ de subventions en application des lois Debré (largement complétés par les gouvernements suivants). Plus d’1 million de manifestants pour la défense de l’enseignement public et laïc n’ont pas réussi à faire abroger ces lois d’exception à la loi de 1905.

Cette loi est bafouée régulièrement par nombre d’élus locaux ou nationaux en assistant à des offices religieux de tous cultes, ceints de leurs écharpes. L’affaire des crèches installées dans des locaux publics risque de rebondir à nouveau. Le poids du religieux semble depuis  une dizaine d’années revenir dans les préoccupations des plus hautes instances de l’État. Jusqu’à présent, on ne touchait pas aux fondements de la loi, on se contentait de l’égratigner par des déclarations de complaisance. Aujourd’hui, les évènements semblent plus graves.

Depuis 2017, nous avons entendu de nombreuses déclarations du pouvoir très favorables au fait religieux de toutes tendances, notamment pour son introduction dans les programmes solaires. En avril 2018, à la Conférence des Évêques catholiques de France, le Président de la République s’est prononcé pour « la réparation du lien abimé entre l’Église catholique et l’État » en écartant les polémiques sur les racines chrétiennes de la France puisque « ce qui compte, c’est la sève ».

Dans le même temps, nous apprenons qu’un avant projet de loi modificatif est en cours d’élaboration. Officiellement, il s’agirait d’installer « un islam de France » pour lutter contre les influences étrangères et lutter contre l’extrémisme. En réalité, il pourrait s’agir d’instaurer un nouveau régime concordataire pour les musulmans et au passage de revoir les financements du fait religieux dans son ensemble. Le bonapartisme serait là aussi de retour. S’il s’agit seulement de lutter contre les faits de « radicalisation », il existe déjà de nombreuses lois de la République qui permettent de lutter contre tout ce qui peut troubler l’ordre public. Pour l’instant, l’heure est apparemment aux consultations. La vigilance reste donc de mise.

Pour débattre sur ce sujet et en partenariat avec de nombreuses autres associations, notre Fédération qui assume la présidence du collectif « laïcité » cette année, prévoit d’organiser une rencontre ouverte pendant le mois de janvier 2019.

 

En guise de conclusion un peu plus positive, la Ligue de l’enseignement s’est livrée à un grand et bel exercice de démocratie participative qui a conduit à un renouvellement radical des instances gouvernantes de la Ligue nationale, suite à l’assemblée générale extraordinaire de septembre : une première en 150 ans d’existence. C’est ainsi que nous pouvons annoncer l’élection de Joël ROMAN, administrateur du Val d’Oise, au Conseil d’administration national. C’est la reconnaissance de son investissement et de ses engagements et également du travail de notre fédération qui appelait à davantage de transparence et de démocratie dans notre mouvement. Le nouveau Conseil d’administration a pour l’instant respecté l’ensemble des engagements pour lesquels il a été élu. Nous veillerons à ce que cette situation demeure.

Enfin, si la vigilance est de rigueur, si la participation active à la mise en place d’une démocratie semi-directe, qui allie représentation et initiative citoyenne, demeure exigeante, nous vous souhaitons à toutes et à tous, une trêve de fin d’année la plus sereine et la plus heureuse possible, en attendant de vous retrouver pour la nouvelle année.

 

Guy PLASSAIS

Ligue de l’enseignement, Président  de la Fédération du Val d’Oise

 

 

 

 

 

 

 

 

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